- Résistance / Résilience
- La liberté́ de la femme
- L’amour et le couple
- La danse et la musique
Texte : Guy de GontautIrene Domínguez « Tapi volant », acrylique sur toile, 100 x 80 cm., 1992 (col. part.)
Irene Domínguez (Santiago-du-Chili 1930 – Paris 2018)
Irene Domínguez nait à Santiago du Chili en 1930. Après ses études à l’école des beaux-arts à l’Université Catholique puis à l’Université du Chili à Santiago, elle décide pour réaliser sa vocation de peintre de « tenter sa chance en Europe ». Elle débarque à Paris en 1963, ville où elle a « toujours rêvé d’être », attirée entre autres par la patrie des droits de l’homme et sa devise « Liberté Égalité Fraternité ».
Elle fait la rencontre du peintre d’origine cubaine Wifredo Lam et de sa femme Lou Laurin, avec lesquels elle partagera une longue et fidèle amitié. Ceux-ci introduisent Irene au monde de l’art, et grâce à eux, elle fera la connaissance de beaucoup d’artistes et d’intellectuels : les peintres issus du groupe Cobra, Corneille et Asger Jorn, le peintre français Yvon Taillandier et le poète Ghérasim Luca. En 1967, suite à l’invitation de Wifredo Lam, elle participe à la grande exposition du Salon de Mai à Cuba, c‘est l’occasion pour Irene de rencontrer nombre d’artistes des deux pays. De retour à Paris, elle poursuit avec passion son œuvre picturale, couronnée en 1969 par une exposition à la Maison de l’Amérique Latine.
Lors de l’élection de Salvador Allende à la présidence du Chili en 1970, elle décide de retourner dans son pays, afin de participer à « l’utopie sociale et humaniste » de l’Unité Populaire. Elle fera notamment partie de la « brigade Salvador Allende » pour la réalisation de peintures murales, et mettra ses talents de graveur et de linograveur au service de l’action culturelle du gouvernement. Alors qu’elle se rend en RDA à l’occasion du Festival de la Jeunesse pour la Paix, le coup d’État du 11 septembre 1973 frappe le Chili. Jugeant son retour trop risqué étant donné les circonstances tragiques que traversait le Chili, elle décide de rester en France.
A partir de 1974, elle résidera à la Cité Internationale des Arts à Paris jusqu’en 1980, ce qui lui permettra de poursuivre son travail de gravure interrompu par la dictature.
Après un bref retour au Chili, elle retourne en France où elle obtiendra en 1986 un atelier à Saint-Ouen d’où̀ elle pourra exprimer toute la mesure de son talent de peintre.
Entre les années 80 jusqu’en 2018, elle retourne quasi régulièrement exposer au Chili.
En 2006, la nationalité Française lui est octroyée après 40 ans de résidence dans ce pays qu’elle avait adopté́.
Irene, jusqu’à sa soudaine disparition en 2018, fut la peintre infatigable et passionnée produisant selon sa propre estimation près de 3000 œuvres sur près de 60 ans.
Une vie d’artiste en lien avec le monde
Irene produit entre la fin des années 1950 et 2018 une œuvre figurative, intensément poétique, où se mêlent humour et gravité au service d’un imaginaire inépuisable. Ses tableaux sont réalisés principalement à l’acrylique sur toile, enrichis le plus souvent de collages et pochoirs à partir de textiles glanés au hasard de ses rencontres.
Elle est également autrice d’une grande variété d’œuvres gravées à partir des années 70, réalisées en eau-forte, pour beaucoup d’entre elles colorées selon la méthode de l’artiste américain S.W. Hayter.
Irene Domínguez a réalisé́ et participé à de nombreuses expositions, dont une centaine de personnelles principalement en Europe (France, Italie, Suède, Allemagne, …) et en Amérique Latine (Chili, Argentine). Parmi les principales expositions citons celle de l’institut Cervantès à Paris en 1998, l’espace 1789 de Saint-Ouen en 2000, les rétrospectives au Musée des Beaux-arts de Santiago du Chili, ou celle au château de St Ouen en 2004.
Inspirée notamment par Picasso et Chagall, son œuvre reste néanmoins profondément singulière et originale. Dans « Le Tango de ma vie » ouvrage dans lequel elle relate avec humour son parcours de femme et d’artiste, le philosophe Guy Petitdemange parle d’Irene en ces termes : « Dans les tableaux d’Irene Domínguez, il y a tous ces corps. Certains viennent. De face. Ils sont stupéfiants de présence, d’allégresse enfantine qui n’est pas naïveté́. Mains ouvertes, bras déployés, grands yeux, avec tout autour les milles figurations et variations de l’imaginaire qui transporte l’espace intérieur. Il y a là un engendrement du sensible, qui raconte nos silences et nos paroles. Il y a d’innombrables profils, découpés à l’égyptienne : ce sont les corps en route, des femmes surtout. »
Une artiste complète
Irene était également passionnée de danse, de théâtre – avant d’arriver en France, elle participe à la Fondation du théâtre « Ictus » – et surtout de musique. Elle aimait l’opéra et également les musiques populaires, au premier rang desquelles le Tango, qui l’inspirera tout au long de sa vie, comme peintre, mais aussi comme interprète.
A ce propos, de passage à Cadaquès en 1980 elle passa une soirée chez Dalí interprétant en sa compagnie un grand nombre de tangos dont Dalí était un amateur éclairé.
La vocation humaniste d’Irene
Irene participe à des associations en lien avec des activités sociales depuis la France vers le Chili, en relation avec les attachés culturels de l’ambassade à Paris. Dès 1991, et sur une période d’environ 15 ans, elle organise avec l’aide de l’association « Amitié France – Chili » une vente aux enchères destinée à financer des projets à caractère social dans le quartier de la Victoria à Santiago, opération qui fut couronnée de succès.